Quand son enfant est malheureux,
On devine au fond de ses yeux
Comme un jardin de fleurs flétries
Par un accident de la vie.
Quand dire ne sert plus à rien,
Le chemin de bonheur, soudain,
Est devenu chemin de poids,
Alors que tout allait si bien.
Il faut pourtant garder la foi.
Rien ne pourra nous garantir
La sérénité de demain.
Seul le courage peut servir.
C'est vain de protester pour rien.
Il faut résister vaillamment
Pour aller toujours de l'avant,
Supprimer les gros soupirs
Distribuer larges sourires,
Alors qu'on est triste en dedans.
C'est dur, quand tout va de guingois.
D'abord tout seul, captif du vide
Qu'on a créé autour de soi,
Claquemuré dans nos pensées.
Pourquoi demeurer impavide,
Quand on a soif de partager ?
Faut ciseler le sens des mots,
Parfois jouer le "boulangeot",
Sortir la phrase bien pétrie,
Pour éviter les cœurs meurtris.
Mieux vaut prolonger son discours
Dans nos pensées qui font des tours
Sous un crâne en ébullition,
Plutôt qu'exciter les passions.
Pour retrouver de la douceur,
Si l'on est près de l'asphyxie,
Il faut redémarrer l'envie,
S'envoler au chant d'un moineau,
Aux variations d'un étourneau,
Qui maîtrisent l'apesanteur.
Dans une vie trop compliquée,
Le temps s'écoule, rallongé..
Tout devient simple, plus léger
Quand on laisse son cœur parler.
Notre enfant vit sa liberté,
SDF, mais pas sans papiers.
Inutile d'atermoyer !
Il suffit d'un peu de chaleur.
Pourquoi désirer un bonheur
Issu de la conformité ?
Et tant pis pour les gens
Qui ne comprennent pas.
Ce qui est important,
C'est d'être toujours là,
Participe présent,
Sans être trop pesant.
Antoine (24 novembre 2012)
Impavide : qui ne manifeste aucune crainte, aucune peur
Le bonnet enfoncé
Jusqu'au creux de mon nez
Les oreilles transies,
J'accélère le pas
Pour retourner chez moi,
Sous la bourrasque aigrie,
Qui engourdit mes doits.
Tout est gris, tout est bas,
Le ciel, les champs, les bois.
Je pense au sans abri
Qui n'a pas de maison,
Qui passera dehors
Pour une fois encore
Une trop longue nuit
Dans la froide saison.
Sa voix, comme souvent,
Restera suspendue
Pendant de longs moments
Sous le couvert des nues.
Il y a décalage
Entre le monde et lui.
Il scrute l'infini.
Il ressemble à un sage
Avec ses cheveux gris,
Sa barbe drue, fournie.
Il a pourtant suivi
Le cursus de la vie.
Il a fait son école
Selon le protocole
Avant d'être au boulot,
Performant aux travaux.
Maintenant, en solo,
Ce drôle d'écolo,
Pour vivre le présent,
Sans prévoir l'avenir,
Se contente des vents
Du tropique ou du givre.
Il a besoin de paix,
Besoin de solitude.
Je crois qu'il a trouvé.
Il vit en plénitude.
Pas facile, sa route !
Mais, je n'ai plus de doute
A propos de son choix,
Même quand il fait froid.
Il a mis de côté
Ce qui peut perturber.
Pourquoi consulter l'heur ?
Le temps qui s'offre à lui,
Suffit à son bonheur.
Pas de fil à la patte.
Son Natel déchargé
Attend au fond du sac.
Pourquoi l'utiliser ?
Comme il fera demain,
Il traverse aujourd'hui
Du pas du promeneur,
Tout ce qui fait sa vie.
Antoine (15 février 2015)
Quand naît une complicité,
Il n'y a rien à expliquer.
J'en suis venu à l'admirer,
Lui, qui a choisi son sentier.
En sortant des chemins battus,
Il est peu à peu devenu
Professionnel du temps qui passe,
Que la durée jamais ne lasse.
Je crois que rien ne peut troubler
L'art de vivre qu'il s'est "choisi".
Il a le temps de contempler
Ce qui se passe autour de lui.
Quand je m'assieds à son côté,
Il dit ce qu'il a observé :
Le vol lourd d'un héron cendré,
Les bonds fous d'un lièvre apeuré,
Les colverts portés par les flots,
Qui s'abritent dans les roseaux,
La biche et son faon dans le pré,
Avec leur grâce inégalée.
Il a repéré les castors
Qui squattent les bords de la Broye.
Il m'a montré leur "château-fort"
Qui chaque nuit, un peu, s'accroît.
Quand nous cheminons sur la berge,
Bercés du seul chant des oiseaux,
Mon esprit vagabond gamberge.
C'est merveille à chaque tableau.
Perdu au fond de mes pensées,
Je laisse dériver au loin
Où ciel et terre ne font qu'un,
Ce qui pourrait me chagriner.
Sa présence, seule, m'importe.
De longs moments, muets, complices,
Avec un minimum de mots,
C'est fou ce que ça nous apporte,
Sans malice, sans artifice.
Ces silences épais, reposants,
Sont souvent des plus éloquents,
Preuves de notre attachement.
Je sens la joie de son regard
Un sourire viendra plus tard.
Le bonheur ne tient qu'à un fil.
Il suffit de si peu de chose
Pour que tout se métamorphose.
Et la vie change de profil.
Antoine (2 décembre 2012)
Chaussé de gros souliers,
Un sac noir sur le dos,
Un autre à bout de bras,
Au pas de l'escargot,
Tu es parti par là,
Au bon gré de tes pieds.
Les décisions, les choix
Que tu t'obliges à prendre
Ne sont pas sans méandres.
Besoin de solitude,
D'oubli de lassitude,
Mais plus besoin d'un toit.
Secoués par la bise
Qui glace et brutalise,
Les arbres dénudés
Donnent dans le ciel crème
De grands coups de balais
Aux nues battues et blêmes.
Sous les rafales brèves
Mille fragments de rêve
En farines légères
S'évadent des congères,
Papillonnent sans trêve,
Subtiles messagères.
Un vent sournois se glisse
Insidieux, se tortille,
Ceinture tes chevilles
Grimpe jusqu'à tes cuisses
En longeant les canons
De ton vieux pantalon.
Le soleil trop frileux
S'est caché dans les cieux.
Tu ne frissonnes pas,
Ne crains pas l'aquilon,
Quand tes jours sont si froids
Et tes songes si longs.
Sur ton banc qui attend,
En silence, tu penses
A tous tes souvenirs ;
A des événements
Présents ou à venir
Qui marquent l'existence.
Quelqu'un te tend la main.
Couvert du manteau d'ombre
Que tus as enfilé,
Tu n'en as pas besoin.
Tu ne veux pas d'encombre
Dans ta vie profilée.
Seul, sur l'étroit chemin
Qu'il soit long ou fugace
De poussière ou de glace
Tu te sens vraiment bien.
Attention aux glissades !
Pas de dégringolade !
Les rosiers endormis
De ton jardin privé
Font le tour de la terre
Afin de rencontrer
Un oranger fleuri
Aux vergers de Cythère.
Tu m'as tout raconté :
Rouge-gorge enrhumé
Merles près des maisons
Premier chants des pinsons
La tendre primevère
Les bourgeons déjà verts.
Tu apprêtes pour toi
Un monde de senteurs,
De couleurs, de saveurs,
De lointains mimosas,
D'un autre coin de terre
Qui raccourcit l'hiver.
Chaque fois qu'on se voit,
C'est un moment extra.
Je ne demande pas
Les raisons de ton choix.
L'important, c'est déjà
Le regard de tes yeux,
Que tu sois là pour moi
Quand mon cœur se fait vieux,
Que je sois là pour toi,
Quand le ciel n'est pas bleu.
Antoine (31 janvier 2011)
L'aquilon : nom poétique donné au vent du nord. Dans la mythologie romaine, Aquilon est le dieu des vents septentrionaux, froids et violents.
Cythère : île de la mer Egée. Aphrodite (Vénus) y aurait vu le jour. Un temple lui est consacré.
Mon enfant a décompensé
C'est la dure réalité.
Depuis, il vit à l'air du temps,
Eté, automne, hiver, printemps.
Un jour, j'ai pourtant retrouvé
Le calme et la sérénité.
Sans bravade, j'ai accepté
Le lâcher prise incontournable,
Qui, pour vivre, est inéluctable.
Tout d'abord, j'ai dû maîtriser
L'attaque insidieuse des peurs,
Puis, je me suis déconnecté
De tout le vécu antérieur.
Pas d'attente démesurée !
J'ai refusé les illusions.
Mais pas question d'abandonner
Un fils dans ses difficultés.
La confiance doit l'emporter
Sur l'effet pernicieux du stress
Pas simple de se détacher
Quand se profile la tristesse.
Notion difficile à comprendre !
Pour qu'elle obtienne de l'écho,
Elle exige l'emploi de mots
Précis et simples à entendre.
Au diable, les entourloupettes
Quand c'est plus simple d'être honnête,
Pour reconstruire là-dessus
Tout ce que l'on avait perdu.
C'est un défi loin d'être vain
Qui a modifié mon destins.
Même si c'est plus compliqué
Que renoncer à la fumée.
Et depuis, je revis, très bien
Mes rencontres, mes entretiens
Dans la nature, sur un banc,
A la gare ou au restaurant,
Avec mon enfant que j'accepte
Sans commenter ses faits et gestes.
Antoine (30 novembre 2012)
Plus d'articles...
Liens directs | |||
Qui sommes-nous ? |
Activités |
Santé |
Politique sociale |