Passons maintenant au deuxième chapitre :
La responsabilité du patient
Le patient devient donc un partenaire, il devient co-auteur de son traitement, co-responsable de son projet thérapeutique.
Responsabilité et citoyenneté
Cette évolution de la démarche thérapeutique va tout à fait dans le sens de la destigmatisation de la maladie psychique appelée de ses vœux par le Graap depuis toujours. Du reste, on dit volontiers que si l'on n'est pas responsable de sa maladie, on est responsable de ce que l'on en fait. Par là, on pose que tout être humain, jouit d'une part, même minime, de santé à partir de laquelle il va pouvoir faire des choix.
C'est bien en comptant sur le sens des responsabilités de ses membres que le Graap a créé, il y a 25 ans, le Grain de Sel. Un restaurant ouvert au public. Au départ, ce restaurant était géré, uniquement par des patients. Le comité du Graap-Association est, lui aussi, composé uniquement de patients et de proches.
Être responsable de quelque chose, d'un projet, c'est répondre d'actes devant les autres. C'est s'engager, c'est se sentir capable de faire quelque chose. Quelque part, c'est exister aux yeux des autres.
Cette notion de responsabilité est si importante, qu'elle figure dans les buts de l'association fixés il y a 25 ans on y lit :
soutenir la réalisation de projets qui permettent aux membres de prendre des responsabilités,
cela parce que nous voulons que la personne qui souffre de troubles psychiatriques soit reconnue comme un citoyen à part entière, c'est-à-dire une personne qui exerce des droits et prend ses responsabilités et est capable d'assumer les conséquences de ses actes.
Être responsable et agir en conséquence, c'est bien le propre de l'être humain, quelqu'un qui assume ses responsabilités inspire le respect.
Donc, vous l'avez compris, pour répondre à la question de M. Delacrausaz, de savoir si la responsabilisation était une bonne chose, c'est donc, oui ! Bien sûr !
Droits et devoirs
Le patient citoyen responsable a des devoirs. Il doit répondre de ses actes. Il est à l'opposé de l'image du fou qui fait n'importe quoi, sans se soucier des conséquences, inconscient de la portée de ses actes. Vous ne trouverez personne au Graap qui ne soit pas d'accord avec l'idée que la maladie n'excuse pas tout.
Ce n'est pas parce que l'on est schizophrène que l'on peut se permettre de se comporter comme si les autres n'existaient pas ou n'avaient pas droit au respect.
Envoyer un coup de poing à un infirmier, ce n'est pas permis. Ce n'est pas admissible. Alléguer la maladie pour justifier de tels actes n'a pas de sens.
Du reste, nous sommes tout à fait d'accord lors que le Conseiller d'Etat introduit une loi qui protège le personnel des établissements publiques.
Juste pour votre information, à l'entrée en vigueur de cette loi, en 2006, on comptait 56 plaintes au total annoncées au DP-CHUV dont 7 plaintes avec des suites judiciaires. En 2010, 165 plaintes annoncées et 3 plaintes avec des suites judiciaires. En 2011, 242 plaintes annoncées et 4 plaintes avec suites judiciaires.
De ces chiffres, on peut constater que les agressions sont traitées essentiellement à l'interne de nos institutions et très peu ont des suites pénales. On aurait pu craindre une pénalisation des débordements des patients. Heureusement, ce n'est pas le cas et j'en profite pour souligner la compétence et le savoir des équipes de soins du DP en matière de gestion de la violence des patients.
La responsabilité pénale
Ceci étant dit, la maladie n'excuse rien du tout. Ce principe posé, lorsque des personnes considérées comme atteintes dans leur santé mentale, commettent des incivilités ou des délits peu graves, il semble donc logique de juger et sanctionner, de condamner le délinquant, tout patient psychique qu'il puisse être. Apparemment, il n'y a pas de raison qui justifie un traitement de faveur, le patient psychique est justiciable.
Toujours au niveau des principes généraux, considérer le patient comme irresponsable ce serait renforcer la stigmatisation et en le soustrayant aux règles appliquées aux autres citoyens, c'est perpétuer une forme de ségrégation. Ne peut-on pas y voir une forme de discrimination à l'envers et d'injustice suite à ce que d'aucun pourrait considérer comme un traitement à part ?
Considéré comme irresponsables, le patient psychique ayant commis de petits délits n'aura pas de jugement, l'enquête se terminant par un non-lieu. Par contre, le juge pourra ordonner une mesure qui ne sera levée que lorsque la preuve sera faite que l'état du dit-patient justifie de lui donner l'occasion de faire ses preuves en liberté, selon art. 59 du Code pénal.
Au Graap, nous voyons dans cette mesure de réels dangers, danger de désinsertion sociale et d'aggravation de l'état de santé mental d'une personne qui est déjà fragilisée. Surtout dans le cas où, avant d'avoir commis un délit, ce patient avait déjà fait l'objet d'hospitalisations et de traitements non volontaires et qui n'ont pas abouti à une amélioration de sa situation.
Cette mesure de traitement des troubles mentaux ne pose-t-elle pas plus de problème qu'elle n'en résout ? Je me souviens de paroles de patients qui disaient, il y a 25 ans déjà :
mieux vaut être en prison que condamné à un article 43. En prison, on purge sa peine, et ensuite, on sort. Un art. 43, c'est pour la vie.
Même si l'article 43 du Code pénal est devenu l'art. 59, la réalité reste la même. Dernièrement, lors du Café «Prison» organisé par le Graap, on pouvait entendre une proche déclarer :
cet article 59, ça ne devrait pas exister, c'est condamner les patients à une mort sociale.
Responsable ? Irresponsable ? La question reste ouverte, la réalité n'est jamais ni toute blanche, ni toute noire. Il est important que l'on ne s'arrête pas à une solution et que l'on continue de réfléchir et de s'interroger.
Les juges, les experts psychiatres doivent se prononcer et définir le pourcentage. Puis des décisions importantes pour l'avenir de la personne seront prises.
Il nous reste à souhaiter, que la sanction puisse être d'un ordre tel qu'elle concourt directement et concrètement au rétablissement du délinquant patient psychique. Là aussi, nous avons encore à être créatif et à inventer des approches, un suivi de ces patients qui puissent les remettre en selle, car, avec ou sans pourcentage de responsabilité, les patients psychiques délinquants devront bien vivre avec la décision qui aura été prise.
Ce qui sera des plus importants pour eux, c'est quel suivi, quel accompagnement va être mis en place pour leur permettre d'acquérir une plus grande responsabilité et leur permettre dans les meilleurs délais de se réinsérer dans la société.
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